En ce moment, Boucli n'aime pas perdre. Il préfère se dérober ou pleurer plutôt que de se confronter à l'échec. Les jeux de société qui nous permettaient de nous retrouver en famille virent au cauchemar. Si Boucli perd, voici venir cris, larmes, cartes balancées, bouderie et énervement mutuel.
Que faire? Arrêter de jouer? Le laisser gagner systématiquement? Ces deux options ne m'apparaissaient pas comme des solutions constructives. J'ai commencé par ce qui nous vient spontanément à nous, parents: le sermon. « Tu sais bien qu'on ne peut pas gagner à tous les coups. Ce qui compte c'est de s'amuser, n'est-ce-pas? » Autant parler à un mur. Pour lui, c'était important de jouer ET de gagner. Je n'obtiendrai rien tant que je n'admettrai pas ce fait. J'ai interrogé ma propre attitude. Etais-je obnubilée par la réussite? Perdre aux sept familles me laisse indifférente, bien sûr. Mais dans les autres domaines? On m'a souvent dit que j'étais perfectionniste. En congé parental, sans enjeu professionnel et sans challenge particulier, j'arrivais quand même à transmettre à Boucli la crainte d'échouer? Je devais reconnaître que l'on a beau se répéter que l'échec est toujours constructif, je trouve toujours difficile de le vivre comme tel. Consciente que je ne pourrais pas me changer du jour au lendemain, j'ai décidé d'attaquer la chose par un autre angle. Si Boucli prenait autant à coeur ses défaites au jeu, peut-être n'avait-il pas sa dose de valorisation par ailleurs. Je me mis à l'affût de toutes les occasions de le féliciter. « J'apprécie beaucoup que tu veuilles essuyer ce que tu as renversé. » « Tu as bien pris soin de ton vélo alors qu'il était plein de boue. » « Je remarque que cela fait trois soirs de suite que tu vas te brosser les dents sans traîner. » Et ainsi de suite.
Un matin, grosse crise de colère. Pour se calmer, il propose lui-même qu'on partage un jeu de société. Son préféré. Celui auquel il gagne souvent. Je suis sur le point de refuser, alarmée à l'idée de raviver la crise de larmes, puis j'accepte. On ne peut pas fuir éternellement. Nous jouons à trois jeux différents. Il perd systématiquement. Et il ne pleure pas. Ne proteste pas. Sourit même lorsque je lui serre la main comme à la fin d'un match, pour saluer la participation de « tous les joueurs. » Je ne peux pas avoir la certitude que c'est mon opération compliment qui a porté ses fruits, mais je crois que cela l'a aidé à comprendre qu'il réussissait bien d'autres choses et le jeu a pu reprendre une juste place. Je reste toujours frappée par le pouvoir qu'ont les paroles. Bien formulé et à bon escient, un compliment est un moteur pour l'estime de soi d'un enfant.
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